Philosophie et recherche

Pourquoi Imagineaction ?

« Pour moi, l’histoire la plus inspirante est probablement celle d’un élève de ma classe qui a gagné une affiche du salon du livre et qui a décidé de son propre chef de vendre des billets à l’heure de la récréation et du dîner pendant deux semaines. Il a ainsi recueilli 99,50 $ et a remis cette somme à l’élève qui faisait l’objet de l’activité de financement. À mon avis, cette histoire représente exactement la raison d’être de ce projet : prendre l’initiative de faire quelque chose de bien pour quelqu’un d’autre sans chercher à obtenir de récompense. Mon élève s’est en réalité senti gêné lorsque j’ai présenté son plan à la classe! » (traduction)

– Membre du personnel enseignant, Newfoundland and Labrador Teachers’ Association

Cette histoire s’applique à beaucoup d’écoles du pays. Imaginez si elle était celle de chaque élève et de chaque membre du personnel enseignant au Canada. Imaginez si chaque élève et chaque enseignante et enseignant du monde entier avait des histoires similaires à raconter. Imaginez…

Pour Paulo Freire, éducateur et auteur de renom, il faut que les éducateurs et éducatrices travaillent avec leurs élèves à la création d’une culture de résolution de problèmes qui mènera inévitablement à la transformation de leur monde. Le personnel enseignant sait qu’une éducation de qualité n’a pas pour but de stocker de l’information dans la tête des élèves pour l’en retirer ultérieurement — ce que M. Freire considère comme une conception « bancaire » de l’éducation. Une éducation de qualité donne plutôt aux élèves l’occasion d’introduire le curriculum dans des situations du monde réel. L’éducation, c’est accompagner les élèves dans leur cheminement en tant qu’apprenants tout au long de la vie et spécialistes de la résolution de problèmes; c’est leur enseigner à user de leur sens critique et à chercher des occasions d’utiliser leurs connaissances d’une manière transformatrice.

« un mouvement d’action sociale piloté par les élèves »

La fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) a lancé un programme bilingue intitulé Imagineaction, qui vise à aider le personnel enseignant et les élèves à aller au-delà du discours en éducation, lequel est de plus en plus centré sur les normes et les tests, en leur donnant des occasions de lier les programmes d’études à des projets communautaires axés sur la transformation.

Des éléments nouveaux étayent la présente analyse. Mentionnons d’abord le rapport d’un atelier animé par le Landon Pearson Resource Centre dans le cadre de son projet « Shaking the Movers », ensuite les résultats d’un sondage mené par la FCE auprès d’enseignantes et d’enseignants de six provinces et territoires et, enfin, le rapport d’analyse d’un sondage national d’opinion publique réalisé par la maison de sondages Vector Research et commandé par la FCE.

Dans son rapport à l’intention du Landon Pearson Resource Centre, Ilana Lockwood présente un résumé des points de vue des élèves à l’égard de trois articles de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. En ce qui concerne le droit à l’éducation et les obstacles à l’accès, les élèves signalent que l’école et la communauté devraient s’engager auprès des jeunes en tant que partenaires. Ils souhaitent également que l’éducation leur permette d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour participer activement à la société. Comme l’a mentionné un élève, « l’éducation devrait avoir pour but de rendre les enfants autonomes » (traduction) (Lockwood, 2009, p. 11). Un autre élève a fait la déclaration suivante : « Un aspect important de l’éducation est d’apprendre à prendre des décisions et à régler les problèmes adéquatement. » (traduction) (Lockwood, 2009, p. 12)

Par rapport à l’enseignement, les élèves avaient beaucoup à dire. Parmi les commentaires qui nous intéressent particulièrement, mentionnons ceux qui se rapportent à l’intégration et à l’éducation civique. Pour ce qui est de l’engagement, des élèves ont indiqué que « vous ne pouvez pas vous engager lorsque vous êtes exclus » et que « les gens supposent que parce que vous ne faites pas partie du conseil des élèves, vous n’êtes pas engagés. Donnez aux élèves la chance de montrer leur engagement de différentes façons » (traduction) (Lockwood, 2009, p. 19-20). Ces deux élèves expriment le désir non seulement de faire partie de la communauté scolaire, mais aussi d’avoir la chance de montrer leurs compétences d’une manière concrète.

Les données recueillies au moyen du sondage réalisé auprès du personnel enseignant ressemblaient de façon frappante à celles obtenues grâce au sondage d’opinion publique. Le message envoyé par le personnel enseignant et les parents était également très semblable au message envoyé par les élèves. Le graphique 1 illustre le pourcentage de parents et de membres du personnel enseignant qui sont fortement d’accord ou plutôt d’accord avec l’énoncé selon lequel les valeurs et le comportement éthique, les droits de la personne, la protection de l’environnement, le rétablissement de la paix et la démocratie participative devraient être enseignés dans le système scolaire public. Il est évident que les parents aussi bien que les enseignantes et enseignants souhaitent que ces sujets fassent partie du curriculum de l’école publique.

Voici d’autres résultats des sondages :

  • Quatre-vingt-seize pour cent (96 %) des parents et des membres du personnel enseignant sont plutôt d’accord ou fortement d’accord avec l’énoncé selon lequel les écoles devraient participer à des projets communautaires;
  • Quatre-vingt-dix-huit pour cent (98 %) des parents sont fortement d’accord ou plutôt d’accord avec l’énoncé voulant que les organismes communautaires qui appuient les projets communautaires des écoles favorisent le civisme et renforcent les relations communauté-école;
  • Quatre-vingt-seize pour cent (96 %) des parents interrogés sont fortement d’accord ou plutôt d’accord avec l’énoncé selon lequel il est possible que les projets menés par les élèves apportent des changements positifs dans la communauté;
  • Plus de 96 % des parents et 100 % des membres du personnel enseignant estiment qu’il est très important ou assez important de développer la pensée critique des élèves de l’élémentaire et du secondaire.

Imagineaction a pour but d’aider les enseignantes et enseignants à satisfaire le désir exprimé par les parents, la population enseignante et les élèves relativement à l’utilisation d’un modèle de pensée critique pour l’enseignement de l’éducation civique par une participation active à des projets communautaires. Imagineaction offre du soutien aux élèves et au personnel enseignant des écoles de langue anglaise et de langue française de tout le paysqui souhaitent aborder des sujets liés à la citoyenneté socialement juste. Ce soutien est offert de quatre façons, soit : l’octroi de subventions, l’accès à de l’expertise, le perfectionnement professionnel et l’exposition des projets.

Les subventions sont accordées à des projets d’action sociale école-communauté qui sont liés aux thèmes d’Imagineaction, c’est-à-dire

  • Se lier [relations]
  • S’engager [citoyenneté active et participative]
  • Se développer [santé et bien-être]
  • Diriger [leadership]
  • Vivre [durabilité de l’environnement]
  • Compatir [pauvreté]

Les enseignantes et enseignants peuvent inscrire leurs projets et demander du financement. Ils pourront également parcourir des projets en cours et antérieurs, et ainsi créer des liens avec des collègues de partout au pays et échanger de bonnes idées avec eux.

Les enseignantes et enseignants ont clairement laissé entendre qu’ils ont besoin d’avoir accès à des occasions de perfectionnement professionnel et à d’autres ressources pour être en mesure de présenter à leurs élèves ces sujets plutôt complexes. Ils ont également mentionné qu’ils aimeraient avoir à leur disposition un outil qui les aiderait à lancer des projets dans leur école. En partenariat avec le Critical Thinking Consortium (groupe qui s’emploie à promouvoir la pensée critique), la FCE élabore des ressources qui fourniront à la population enseignante l’aide qu’elle demande.

Le programme Imagineaction offre également un espace qui permet aux enseignantes et enseignants de télécharger des documents, des photos, des vidéos et autres moyens d’expression qui sont formatés et affichés sur une page Web visant à mettre en valeur l’excellent travail qu’ils accomplissent avec leurs élèves dans leur communauté.

Références

  • LOCKWOOD, Ilana. Shaking the Movers III, rapport fi nal,Landon Pearson Resource Centre for the Study of Childhood and Children’s Rights, Ottawa (Ontario), 2009.
  • FÉDÉRATION CANADIENNE DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS. Analyse du sondage de la FCE auprès du personnel enseignant — Favoriser la citoyenneté responsable, Ottawa (Ontario), Richard Riel et Bernie Froese-Germain, 2010.
  • SONDAGE VECTOR. Sondage sur les dossiers nationaux en éducation de 2010, mené du 18 février au 5 mars 2010 pour la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Ottawa (Ontario), 2010.

Pauline Théoret est coordonnatrice du programme Imagineaction à la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants.